


« On disait souvent COMME DIEU EN France. Cette expression signifiait probablement que Dieu se sentait bien en France, qu’on y vivait librement et qu’on y laissait vivre les autres, que l’existence y était facile et confortable. Mais si Dieu se sentait bien en France, on pouvait dire également, précisément en vertu de cette conception du monde assez insouciante, que le diable n’y vivait pas mal non plus.Je ne crois pas que notre malheur soit dû à de mauvaises intentions de leur part, je ne crois pas que le diable auquel nous avons à faire soit un diable particulièrement pervers prenant un plaisir sadique à nous persécuter. Je crois plutôt que c’est le diable de la négligence, de l’inadvertance, du manque de générosité, du conformisme, de l’esprit de routine, c’est à dire ce diable que les français appellent le « j’m’en foutisme ».
Le Diable en France, Lion Feuchtwanger
Le Projet
Nous sommes dans un futur, proche ou lointain...
Un pouvoir autocratique et totalitaire s’est installé par les urnes, porté par le populisme et nos abandons successifs aux sombres desseins. La haine de l’Autre. La déshumanisation des êtres. L’élimination par la sélection. La création et l’exploitation des superflus. L’Homme doit être vidé de son humanité pour en faire une superfluité efficiente, une individualité sans identité, indéfinie, utile et nécessaire à la production et à la consommation. Le Camp des Milles, devenu Lieu de Mémoire, est réouvert et affecté à l’internement, à la mise en quarantaine et à la guérison des «inutiles», des « malades » et des « déviants ». S’y retrouvent des artistes libres penseurs, d’origines et d’horizons divers. Comme d’autres avant, ici même, ils vont réaffirmer l’art comme outil de résistance et d’humanité. Comme le firent avant eux les « internés » de 1940, victimes de l’indolence administrative, du « j’m’en foutisme », du diable en France.
Le centre socio-culturel Jean-Paul Coste défend l’idée que le projet culturel produit de la transformation sociale, qu’il permet aux individus de saisir le monde et les rapports sociaux, d’y agir individuellement et collectivement et de se situer par rapport à une mémoire commune. Appréhender la mémoire d’un territoire, c’est s’approprier sa propre histoire, l’assumer pour mieux la dépasser parfois, être en mesure d’être acteur conscient de son quartier, sa ville, son pays. Au-delà du devoir de mémoire, il s’agit aussi, en référence au volet réflexif du Site Mémorial du Camp des Milles, de comprendre et « porter » les enjeux de dignité, de respect et d’humanité.
NUMERO 187 est une alerte, un appel à la vigilance citoyenne.
Inspirés de l’histoire vécue par Lion FEUCHTWANGER et ses camarades internés, nous puisons dans son écriture, la justesse poétique, la puissance dramatique dans la description des êtres et des situations.
Le travail de création intègre la démarche globale, citoyenne et réflexive du site Mémorial du Camp des Milles, de cette volonté de rendre vigilant, critique et responsable, le « visiteur-spectateur » des crimes passés, face aux menaces présentes et futures. Notre création s’inspire de l’engagement de ces artistes, « intellectuels », défenseurs de la libre pensée qui, par leurs œuvres ont résisté à la volonté d’anéantissement de l’Humanité, dans sa définition la plus universelle. Nous nous inspirons du destin de ceux, qui internés au Camp des Milles, ont résisté par la création artistique à la déshumanisation, à la mort industrielle et programmée.
Ils sont nos « références mémorielles », nous, artistes de tous horizons esthétiques et culturels qui face à la montée des haines, des racismes, des discriminations, face au déclassement de l’Humain par les intérêts économiques et financiers, participons à la « Résistance Poétique ».
Processus de création
Notre création est basée sur la pluridisciplinarité et le dialogue entre les arts.
Notre méthode de création se base sur le principe de résidences croisées. Nous alternons ainsi entre résidences thématiques (travail sur le chant, travail sur la vidéo, travail sur des tableaux spécifiques, etc...) et des laboratoires de création (travail sur la thématique de la liberté, de l’enfermement, du travail, etc...). Ces temps de résidences croisées permettent de développer de nouveaux savoir-être.
A chaque temps de résidence, nous réalisons des workshops interdisciplinaires permettant de mêler les pratiques artistiques de chacun. Ce puisement dans chaque art, enrichit les participants et leur propose une nouvelle posture artistique.
C’est un mécanisme nourricier mêlant recherche et pratique artistique.
Afin d’alimenter notre création, nous allions aux temps de création, des visites au camp des Milles, des temps de recherche, des débats sur la thématique, des diffusions de films (La Vague, Les Milles) et des lectures d’ouvrages. Ce laboratoire de recherche s’est nourri et développé au fur et à mesure de la création, apportant à chaque fois des nouvelles pistes de travail ou une finesse dans le sens de la création.
Nous avons également travaillé en partenariat avec les salariés du Mémorial du Camp des Milles afin que notre propos artistique soit éclairé par leur connaissance.
